Biographie de Dipa Ma  – 1911-1989

 

 

L’histoire familière de Gotama Buddha suit le voyage du héros archétypal: il laissa femme et enfant et renonça au monde ordinaire pour rechercher la vie sainte. Dipa Ma suivit un chemin similaire, mais avec un tournant inattendu. En fin de compte, elle vécut son illumination dans un simple appartement en ville avec sa fille. Ses responsabilités en tant que mère étaient clarifiées par sa pratique spirituelle; elle prenait des décisions fondées non sur la culpabilité et l’obligation, mais sur la sagesse et la compassion suscitées par la méditation.

Nani Bala Barua, plus tard connu sous le nom de Dipa Ma, naquit en 1911 dans un village des plaines de Chittagong, dans l’actuel Bangladesh. Elle venait d’une famille bouddhiste. La culture bouddhiste locale disait remonter sa lignée jusqu’au Bouddha lui-même. À la naissance de Dipa Ma, la pratique de la méditation avait pratiquement disparue mais les gens continuaient d’observer les rituels et les coutumes bouddhistes.

Bien que très intéressée par le bouddhisme dès son plus jeune âge, Dipa Ma n’eut guère l’occasion, comme la plupart des femmes asiatiques de son époque, d’entreprendre un entraînement spirituel sérieux.

Les premières années de sa vie suivirent le parcours prévisible d’une fille d’un village du Bengale oriental. À douze ans, elle se retrouva mariée à Rajani Ranjan Barua, un ingénieur deux fois plus âgé qu’elle n’avait pas choisi et qui partit une semaine après leur mariage pour occuper un emploi en Birmanie. Après deux années de solitude chez sa belle-famille, elle fut envoyée à Rangoon pour le rejoindre. Son mari se révéla un homme bon, patient, aimant et sage. À la grande déception du couple, la jeune Dipa Ma ne tomba pas enceinte.  Les années passèrent.  Le couple adopta alors son frère beaucoup plus jeune, Bijoy. Finalement, elle donna naissance à 3 enfants dont sa fille Dipa et fut désormais appelée Dipa Ma, mère de Dipa. Mais elle perdit deux de ses enfants et tomba gravement malade.

Pendant plusieurs années, elle fut confinée à son lit avec une maladie cardiaque et une hypertension artérielle, à peine capable de s’occuper d’elle-même et de sa fille. C’est alors que Rajani mourut subitement, laissant Dipa Ma dévastée. Elle pensa qu’elle mourrait bientôt si elle ne trouvait pas le moyen de se libérer de son fardeau de chagrin. Elle résolut d’apprendre la méditation, convaincue que c’était la seule façon pour elle de se sauver. Peu de temps après, elle rêva que le Bouddha chantait doucement ces versets du Dhammapada:

Piyato Jayati Soko ,
piyato jayati bhayam

piyato vippamuttassa,

Natthi Soko Kuto Bhayam.

S’accrocher à ce qui est cher amène le chagrin.
Se cramponner à ce qui est cher crée la peur.
À celui qui est totalement libre de tout attachement
Il n’y a pas de chagrin ou de peur.

En se réveillant du rêve, Dipa Ma ressentit une détermination calme pour se consacrer pleinement à la pratique de la méditation. Elle prit des dispositions pour se rendre au centre de méditation Kamayut à Rangoon.

Tôt le matin, au cours de sa première journée au centre, Dipa Ma reçut une chambre et des instructions de base. On lui ordonna de se rendre à la salle de méditation tard dans l’après-midi. Alors qu’elle était assise à méditer tout au long de la journée, sa concentration devint rapidement très profonde. Plus tard, sur le chemin de la salle de méditation, elle se trouva soudainement incapable de bouger. Pendant plusieurs minutes, elle ne put même pas lever un pied, ce qui la déconcerta. Finalement, elle réalisa qu’un chien avait serré ses dents autour de sa jambe et ne voulait pas le lâcher. Étonnamment, sa concentration était devenue si profonde même au cours des premières heures de pratique qu’elle n’avait ressenti aucune douleur. Finalement, elle fut délivré du chien par les moines. Elle dut se rendre à un hôpital proche pour y recevoir des injections contre la rage puis rentra chez elle pour récupérer. Une fois à la maison, sa fille, désemparée, ne lui permit plus de partir. Grâce à son caractère pratique et à sa créativité, Dipa Ma réalisa que son cheminement spirituel devrait prendre une forme différente de celle communément suivie dans les monastères. En suivant les instructions données lors de sa courte retraite, elle médita patiemment chez elle, s’engageant dans la pratique diligente de la prise de conscience, à chaque instant.

Après plusieurs années, Munindra, un ami de la famille qui habitait dans les environs, encouragea Dipa Ma, alors âgé de cinquante-trois ans, à se rendre au centre de méditation où il étudiait sous la houlette du célèbre enseignant Mahasi Sayadaw. Après seulement quelques jours de pratique, elle connut  un premier degré d’éveil.

Par la suite, Dipa Ma fit des va-et-vient entre son domicile et le centre de méditation, où elle progressa rapidement et atteignit deux autres degrés d’Eveil (la tradition Theravada reconnaît quatre degrés d’éveil, le dernier culminant dans l’état de Arahant, équivalent à l’état de Bouddha). Les personnes qui la connaissaient étaient fascinées par sa transformation d’une femme maladive, en proie au chagrin, à une femme calme, forte, en bonne santé et rayonnante.

Inspirés par cette transformation spectaculaire, les amis et la famille de Dipa Ma, y compris sa fille, la rejoignirent au centre de méditation. L’une des premières fut sa soeur Hema. Bien que Hema ait eu huit enfants, dont cinq vivaient toujours à la maison, elle réussit à prendre le temps de pratiquer avec sa sœur pendant presque un an. Elle aussi atteignit un premier degré d’éveil ainsi que sa propre fille Dipa.

En 1967, le gouvernement birman ordonna à tous les ressortissants étrangers de quitter le pays.  Dipa Ma décida de se rendre avec sa fille à Calcutta; Leurs nouvelles conditions de vie étaient modestes, même selon les normes de Calcutta. Elles n’avaient pas d’eau courante, leur cuisinière était un brûleur à charbon de bois posé au sol et elles partageaient les toilettes avec une autre famille. Dipa Ma dormait sur un fin tapis de paille. Peu de temps après, le bruit se répandit à Calcutta  qu’une enseignante de méditation accomplie était venue de Birmanie. Des femmes qui essayaient vainement de combiner une pratique spirituelle avec les exigences sans fin de la gestion de leur foyer firent leur apparition dans l’appartement de Dipa Ma pour y chercher  des instructions. Elle proposa un enseignement individualisé et adapté à la vie de tous les jours.

Le chemin de Dipa Ma n’était pas attaché à un endroit particulier, à un enseignant, à un style de vie ou au modèle monastique. Le monde était son monastère. Elle embrassait la famille et la méditation dans un cœur qui refusait fermement de créer des divisions dans la vie.

«Elle disait: être une femme, être une mère, cela a été ma première pratique», se souvient Sharon Kreider, une mère qui a étudié avec Dipa Ma. «Elle m’a appris que quoi que nous fassions, que nous soyons un enseignant, une femme ou une mère, tous sont nobles. Tous sont égaux.  »

Pour Dipa Ma, il y avait simplement la pratique d’être présent, d’être pleinement conscient, tout le temps, dans toutes les situations; elle était une démonstration vivante que la vraie nature de l’esprit est la présence.

 

Source site Dipama.com