Biographie de Madame Guyon 1648 – 1717

 

 

Madame Guyon est une femme hors du commun, persécutée et oubliée du monde catholique et que l’on redécouvre à notre époque comme étant l’une des plus grandes mystiques de la chrétienté.

Mariée à quelqu’un qu’elle n’a pas choisi, mère de cinq enfants, elle restera laïque. Elle parviendra à un état d’union intérieure que rien ne peut altérer et découvrira qu’il lui est possible de le transmettre. Elle se sentira ainsi appelée à la vie apostolique, c’est-à-dire à devenir un maitre spirituel, son rayonnement s’étendra au delà des frontières, dans les milieux catholiques mais surtout protestants.

Jeanne-Marie Bouvier de La Mothe nait à Montargis le 13 avril 1648, dans une famille noble, aisée et pieuse. Il s’agit d’un second mariage tardif. À sa naissance prématurée, Jeanne-Marie est donnée pour morte, elle verra par la suite dans cet arrachement à la mort le symbole de son chemin intérieur. Elle connaitra d’ailleurs de graves problèmes de santé toute sa vie.

Elle montre une grande attirance pour la dévotion dès son plus jeune âge, elle est fascinée par le destin de Jeanne de Chantal, disciple de saint François de Sales et qui fonda de nombreux couvents. Elle n’a pas seize ans lorsque sa famille la marie avec quelqu’un de vingt deux ans son aîné, qu’elle ne connaît pas, qu’elle n’a pas choisi et qu’elle verra trois jours avant la cérémonie, destin commun pour les filles à cette époque. Son mari, bien qu’amoureux, est un homme coléreux, sa belle-mère est une femme acariâtre et mesquine qui lui empoisonne la vie.

Après son second enfant, Jeanne a dix-neuf ans, une rencontre va être décisive pour sa vie intérieure. Un religieux qu’elle consulte sur ses difficultés à faire oraison, lui dit : « C’est Madame, que vous cherchez au-dehors ce que vous avez au-dedans. Accoutumez-vous à chercher Dieu dans votre cœur et vous l’y trouverez ».

Madame Guyon se met alors à pratiquer l’oraison quatre heures par jour. Elle aura cinq enfants, en  perdra deux. « Après douze ans et quatre mois dans les croix du mariage », elle se retrouve veuve, avec des revenus considérables.

Madame Guyon entre dans une nuit intérieure qui va durer cinq ans « sans un instant de consolation » (1675-1680). Cette désolation intérieure va d’un coup faire place à un état « de vie parfaite », elle a trente-deux ans.

Elle a le sentiment qu’elle doit quitter Montargis et se rendre à Genève, diocèse de François de Sales, et haut lieu de la réforme protestante. C’est là que Jeanne de Chantal, son modèle, a commencé son oeuvre.  L’évêque du lieu qui espère une donation lui propose la direction d’une institution destinée à éduquer de jeunes protestantes converties, parfois enlevées de force à leurs parents. Elle n’est pas convaincue par ces méthodes et refuse. Elle se rend à Thonon où elle fonde un hôpital. Elle compose ses premiers écrits et découvre qu’elle peut transmettre à d’autres quelque chose de son état intérieur d’abord au père la Combe, son confesseur puis à d’autres personnes qui sont touchées par son rayonnement spirituel.

Madame Guyon se trouve alors dans une situation précaire, elle déplait à certains ecclésiastiques, elle n’a pas de relations proches du pouvoir, elle va se trouver emportée, malgré elle, dans une querelle théologique, prétexte à des luttes d’influence et de pouvoir.

Agée de trente-huit ans, elle revient à Paris en juillet 1686, peu avant la chute de Molinos  auteur d’un traité de piété jugé hérétique. Des jalousies entre religieux laissent entendre que le père Lacombe est ami de Molinos ; il est finalement arrêté. Quant à Madame Guyon, une cabale orchestrée par son demi frère, le père de la Mothe, la fait enfermer dans un couvent pour la forcer à marier sa fille au neveu dissolu de l’archevêque de Paris. Après neuf mois de détention, alors que le cas paraît désespéré, et qu’elle est sur le point d’être envoyée par ses ennemis dans une prison perpétuelle, le roi ordonne sa libération, grâce à l’intervention de Madame de Maintenon (qui a épousé secrètement le roi).

Madame Guyon fait alors la connaissance de Fénelon qui deviendra son plus fameux disciple. Elle exerce son rayonnement spirituel à la cour de Louis XIV.  Elle a quarante-sept ans lorsque commence à partir de l’été 1693 une seconde et longue période d’épreuves. Son écrit : Le Moyen court de Faire oraison apprécié unanimement est désormais accusé de refléter les positions de Molinos. Après l’avoir encensée, Madame de Maintenon veut se débarrasser d’elle, Bossuet, le célèbre évêque de Meaux va l’aider. Madame Guyon est finalement arrêtée et conduite d’abord à Vincennes en 1695, puis à la Bastille. Elle en sera libérée sur une civière en 1703 après avoir subi plusieurs tentatives d’empoisonnement.

Madame Guyon reçoit l’autorisation de s’établir dans le diocèse de Blois dans une petite maison. Elle y vivra paisiblement, entourée de disciples catholiques et protestants dans un esprit œcuménique avant la lettre et sans jamais vouloir convertir quiconque. Elle meurt en 1717 à l’âge de 69 ans.

Ses écrits seront traduits et diffusés largement dans les milieux protestants où ils exerceront une influence durable, en particulier chez les Quakers.